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Alors... Parée, Paré? (suite)

Dernière mise à jour : 17 juil.

- « Ouin je vois où vous voulez en venir, mais personnellement, la

restauration, j’ai donné, je suis très heureuse d’être à mon compte… »


Je cherchais du Calvados pour un dessert au foie gras que je fais pour mes

soirées « Cheffe à domicile ». J’avais visité une SAQ la veille dans le coin de St-

Apollinaire où j’étais allée m’approvisionner chez Canard Goulu, mais j’étais

revenue bredouille. Je me suis dit que je prendrais une chance à la petite SAQ

de la Guadeloupe le lendemain, sans vraiment avoir d’espoir. Et tout à coup, ce

grand gars à lunettes sort du « backstore » pour me demander s’il peut m’aider :

il voyait bien que je cherchais désespérément quelque chose dans l’allée des

liqueurs. Moi de lui demander le Calvados en question et lui de me répondre :


- « Vous faites un trou normand? »


Voyons, il est ben curieux, lui…


- « Non c’est pour un dessert, je suis cheffe à domicile… »


Fouillez-moi pourquoi je suis allée dire que j’étais cheffe à domicile, mais

précisément, à ce moment, j’ai vu quelque chose « tilter » dans son œil. C’est là

qu’il m’a raconté que lui et sa conjointe allaient ouvrir le nouveau restaurant à

côté du Royal, dont j’ignorais l’existence, qu’ils étaient en rénovations, qu’ils

cherchaient un chef…


- « Ouin je vois où vous voulez en venir, mais personnellement, la

restauration, j’ai donné, je suis très heureuse d’être à mon compte… »


La restauration, j’y avais goûté, effectivement. À Montréal. Au sortir de mon

diplôme en cuisine professionnelle à l’ITHQ. J’étais dans le début trentaine, déjà

plus vieille que bien des débutants dans le domaine. De la restauration, j’avais

goûté les horaires de soir et de fin de semaine, les salaires de misère, les heures

de fou, l’adrénaline et l’anxiété qui viennent avec, l’alcool qui coule un peu trop à

flot, les égos démesurés… J’y avais goûté et j’avais décidé que ce n’était pas

pour moi, de là que j’étais allée m’enfermer dans la cuisine d’un centre de

méditation pendant 7 ans.

Mais le gars de SAQ avait l’air sympa, il causait bien, il était emballé et

emballant, on a donc échangé nos numéros.

Ça ne fait pas de mal d’avoir des contacts, Véro…

Il y a eu échange d’appels, un ou deux, je ne me souviens plus trop. Entretemps,

cela m’avait donné la chance de jaser avec mon conjoint de mon incertitude face

à ma capacité de mener un tel projet à bien. On me demandait carrément d’aider

à mettre au monde un restaurant. Est-ce que j’avais les compétences? Est-ce

que j’avais les reins assez solides? Ce que j’aimais du concept de « Cheffe à

domicile », c’était qu’il s’agissait de « restauration », mais à échelle humaine. Et

comme j’étais à mon compte, je pouvais instaurer mes propres conditions de

travail.

Avec le gars de la SAQ, on a convenu d’un rendez-vous avec lui, sa conjointe et

Mélinda, une fille passionnée qui n’avait jamais fait de restauration de sa vie,

mais qui voulait apprendre. C’était pour tâter le terrain, pour voir. Quand je suis

arrivée dans le loft au-dessus du restaurant, je me suis rendue compte que

j’avais affaire à quelque chose de complètement différent de ce que j’avais connu

auparavant. Olivier et Laurie étaient parents de deux petites puces, Mélinda était

maman elle aussi. Rien à voir avec les gros gars (et filles) tatoués et mal

engueulés que j’avais fréquentés dans mon ancienne vie.

Ça m’a décontenancée. Le projet comme tel était inspirant, dans mes cordes,

dans mes intérêts. Mais les humains derrière, des humains vrais, beaux et

professionnels qui me donnaient envie de peut-être plonger…

« The rest is history » comme disent les Anglais. J’ai plongé tête première en me

disant que l’échec n’était pas une option. J’allais donner tout ce que j’avais à

Laurie et Olivier pour leur assurer tout le succès qu’ils méritaient. Et ça allait être

ma dernière danse en restauration.

Avec le temps, on a appris à se connaître. Il y a eu des hauts et des bas,

évidemment, qui ont fait douter de part et d’autre… Mais lentement, Les 5

Moulins a fait son chemin dans le cœur des gens, nous donnant raison.

Lentement, avec travail acharné, l’ADN des 5 Moulins s’est développé. Cela fait

maintenant plus de 2 ans que je suis capitaine de ce merveilleux navire qu’est la

cuisine des 5 Moulins. Je ne serais certainement rien sans la belle équipe qui

gravite autour de moi et qui travaille tellement fort pour s’améliorer jour après

jour. Et je ne serais certainement rien sans Laurie et Olivier qui ont décidé du

jour au lendemain de donner sa chance à une étrangère.


- « Ouin je vois où vous voulez en venir, mais personnellement, la

restauration, j’ai donné, je suis très heureuse d’être à mon compte… »


Les 5 Moulins est une école pour moi. Une école de l’humain. J’ai eu des chefs

dans ma vie qui cassaient les assiettes ou nous engueulaient pour des riens. Je

me suis toujours dit que si le poste de cheffe m’était offert un jour, je ferais

autrement. Pour moi être cheffe des 5 Moulins, c’est faire briller les autres. Être

cheffe des 5 Moulins, c’est essayer de comprendre et rendre heureux les autres.

Que ce soit pour les clients ou pour les collègues, tous les efforts que je mets

dans mon travail, c’est pour les autres…

Si le gars de la SAQ n’avait pas été si « grande yeule » comme il dit, Véro en

serait restée à cette phrase et sa vie serait beaucoup moins enrichissante :


- « Ouin je vois où vous voulez en venir, mais personnellement, la

restauration, j’ai donné, je suis très heureuse d’être à mon compte… »


Merci le gars de la SAQ… Merci la blonde du gars de la SAQ…

Je vous aime.


Véronique Paré



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