Nous avons beau être issus du milieu de la restauration et y avoir consacré la majeure partie de notre vie, en cuisine, nous sommes ok, juste ok. (Olivier s’est même déjà retrouvé chef d’un restaurant mexicain dans le nord du Québec! Ils étaient deux en poste, le chef et Olivier le plongeur. Le chef a démissionné…)
Nous pouvons arriver à créer une recette sympa, gourmande, avec beaucoup d’essais/erreurs et surtout, beaucoup de chance! Il était inconcevable que nous prenions ce département en charge.
Tous les scénarios ont défilé dans le plan d’affaire. Des chefs invités? Nous avons beaucoup de contacts dans le milieu, nous pourrions possiblement leur demander quelques recettes afin de compléter une carte créative et certainement décousue.
Nous pourrions assumer la tâche en équipe, tout le monde collabore et apporte ses idées. Une cuisine collective avec des employés impliqués? À un certain moment, nous avions effectivement un plan d’affaire sans chef. C’était novateur, mais oh combien insécurisant!
Ensuite, nous avons approché un ancien collègue de Québec qui avait abandonné le métier pour se concentrer sur l’ébénisterie. Il a accepté! Le plan était qu’il vienne passer le premier mois à temps plein, pour ensuite venir une journée par semaine. C’est loin d’être idéal direz-vous, mais nous connaissions ses capacités et avions confiance que le menu serait à la hauteur. Nous avons même effectué une journée complète de formation avec la toute première équipe de cuisine. La suite de l’histoire nous amènera à le remercier quelques jours avant son entrée en poste officielle.
Olivier :
Combien d’employés ai-je recrutés seulement grâce à mon travail à la SAQ et ma grande yeule? Quelques-uns et quelques-unes il faut dire. Mais les chefs se font plutôt rares, les bons, bien ils travaillent.
Par un beau mercredi après-midi, une femme se présente à la SAQ, je ne l’ai jamais vue. Elle se promène et me demande nonchalamment : « Vous auriez du Calvados? » « Bien sûr, sur les tablettes derrière moi. Du Calvados? C’est chouette! Vous faites un trou normand ??? » Je vous laisse imaginer à quel point la réponse de Véronique, pour un chasseur de tête comme moi en quête de stabilité pour notre futur restaurant, me mit dans un état de « ok le gros, focus, pis manque-la pas celle-là! »
« Vous faites un trou normand ? »
« Non, je fais une sauce, je suis cheffe à domicile… »
Respire le grand, prends ton souffle.
« Ha c’est cool, nous on ouvre un restaurant ici à côté… »
« Ouin, je vois où vous voulez en venir, mais, personnellement, la restauration, j’ai donné, je suis très heureuse d’être à mon compte. »
Ok, calme-toi… T’as une cheffe devant toi qui a fait l’ITHQ à Montréal et qui a travaillé dans plein d’établissements prestigieux, pèse tes mots.
J’explique notre vision: producteurs locaux, bouffe maison, travail d’équipe. Je lui parle du parcours de Laurie et du mien. Elle allait me quitter sur un gros « Non », jusqu’à ce que je la supplie de venir nous rencontrer au resto un p’tit 2 heures. Elle acquiesce. J’ai dansé et fait du « air guitar » pendant 2 minutes. The rest is history.
Naïve, Véronique ne réalisait certainement pas dans quoi elle venait de s’embarquer. Parce qu’accorder du temps à deux crinqués et passionnés comme nous, c’est se mettre le bras directement dans le tordeur!
Elle est donc venue, tel que promis, visiter le chantier (parce que oui, à ce moment-là, le restaurant était loin d’être charmant). Nous lui avons exposé le projet, de long en large, en prenant soin d’insister sur la mission et les valeurs que nous souhaitions véhiculer. Elle s’est informée de notre parcours, ne souhaitant certainement pas s’embarquer avec deux jeunes têtes folles qui n’ont aucune idée de ce que ça implique d’ouvrir un restaurant. Son oui final fut discret, hésitant… Mutuellement, nous faisions face à l’inconnu, venant de souder un partenariat avec un pur étranger.
Alors… Parée? On plonge!
Véronique Paré est une créative. Elle possède un don pour marier les ingrédients afin de réaliser une assiette complète en textures et en saveurs. Reste plus qu’à fermer les yeux et apprécier le moment! De plus, elle a l’intérêt et l’expérience de travailler avec le boréal, le sauvage comestible. Je peux lui apporter n’importe quelle mauvaise herbe et elle le transformera et l’intégrera en harmonie avec tout le reste. C’est ce qui m’a permis d’élargir mes cueillettes et a contribué au développement de l’hydroponie et des jardins. C’est une réelle fierté pour toute l’équipe de travailler avec ce type de produit qui, jusqu’à maintenant, se veut une expérience enrichissante pour les clients (pour nous aussi finalement!)
En terminant, une grande partie du succès des 5 Moulins résulte de l’implication de Véronique.
Elle a dû former des gens qui partaient de zéro, certains avec des problèmes personnels et comportementaux. On retrouve une grande variété d’humains en restauration 😉 Malgré notre cheminement raboteux, nos décisions spontanées, nos « guess » angoissants, nos excès, nos trop-plein émotifs, nous avons, au moins, toujours eu l’assurance que la bouffe qui sort de la cuisine est bonne grâce à elle. Merci Véro xx
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